Copper : une nouvelle série historique sombre et brutale
Copper, série télévisée historico-policière créée par Tom Fontana (Oz) et Will Rokos (Southland), a été lancée le 19 Août 2012 sur la chaîne américaine BBC. L’intrigue prend place dans le New York des années 1860, pendant la guerre de sécession. L’acteur principal, Tom Weston-Jones, y campe un jeune flic irlandais du nom de Kevin Corcoran, à la recherche de la vérité sur la disparition de sa femme et le meurtre de sa fille.
Pour mener à bien ses missions, Kevin peut compter sur le soutien de deux hommes rencontrés sur le front : Robert Morehouse, fils d’un riche industriel, et Matthew Freeman un jeune physicien noir. Ce dernier à sauvé la vie d’Henry en amputant sa jambe gangrenée sur le champ de bataille. Pour le remercier, le riche héritier lui a offert un local où exercer son activité de médecin. Son amitié pour ces deux personnes de milieux très différents, lui permet de côtoyer à la fois la très chic 5ie avenue et le Harlem populaire.
New York s’est toujours relevée
Une phrase entendue à plusieurs reprises dans Copper, et qui met l’accent sur le lieu où se déroule l’action : « New York s’est toujours relevée »
Pour mieux appréhender les références historiques de Copper, penchons-nous un peu sur les origines de New York city.
New York est passée entre les mains de plusieurs pays, avant de devenir la ville que nous connaissons. Découverte en 1524 par Giovanni da Verrazzano, navigateur italien missionné par le roi de France François 1er, elle est d’abord baptisée Nouvelle-Angoulême. Un siècle plus tard, elle devient Néerlandaise sous l’égide de la Compagnie des Indes orientales. 30 familles protestantes s’installent alors au sud de l’actuel Manhattan et forment la colonie de la « Nouvelle-Amsterdam ».
Après 50 années de disputes intestines, les anglais conquièrent la Nouvelle-Amsterdam qui est rebaptisée « New York » en l’honneur du duc d’York, frère du roi Charles II.

Le drapeau de la ville de New York se rapproche de celui des Pays-Bas car les Néerlandais furent les premiers européens à coloniser la région. Sur le blason bleu, figurent plusieurs symboles et références : l’aigle, symbole des États-Unis ; Dexter, un marin représentant les premiers colons, et Sinister, un indien de Manhattan ; les deux castors, emblèmes de la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales; le moulin à vent, les tonneaux de farine et les fleurs en couronne, représentant l’industrie new yorkaise ; la devise latine « Sigillum Civitatis Novi Eboraci » (qui signifie : Le sceau de la ville de New York)
La ville se développe rapidement et le commerce, notamment maritime, explose. Mais le contexte géo-politique tendu à l’extrême entre les colonies américaines et la métropole, font de New York une place stratégique dans la guerre d’indépendance des Etats-Unis de 1776 à 1783.
Avant même la déclaration d’indépendance, la Province de New York est une poudrière prête à exploser. Divisée politiquement entre les organisations patriotes actives et une assemblée coloniale fermement loyalistes, de nombreux conflits ne cessent d’éclater.
En avril 1775, les Patriotes prennent le contrôle de New York après la bataille de Lexington et Concord et commencent à expulser les loyalistes. Une victoire de courte durée, car en Août 1776, le général britannique William Howe lance une campagne destinée à lui assurer le contrôle de New York et de son port militaire stratégique. Au cours de cette bataille un terrible incendie ravage plus du quart de la ville.
La paix et la reconnaissance du nouveau pays sont scellées par le traité de Paris en 1783. Mais moins d’un siècle plus tard, New York est confronté à de nouveaux conflits internes. En réaction à l’élection du républicain et partisan de l’abolition de l’esclavage Abraham Lincoln en 1860, la plupart des États du Sud font sécession et forment les États confédérés d’Amérique. Les New Yorkais se rallient rapidement à la cause de l’Union. La guerre s’enlisant, une pénurie de soldats se fait sentir dans les rangs de l’Union. Pour y pallier, le Congrès des États-Unis adopte une loi de conscription le 3 mars 1863, autorisant le président à faire appel aux citoyens âgés de 18 à 35 ans. Cette mesure très impopulaire provoque un mécontentement général. Loin d’apaiser les tensions, la taxe d’exemption est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Vécue comme une discrimination entre les riches et les pauvres, elle est la source d’émeutes sanglantes à New York : les Draft Riots de 1863 font une centaine de morts.
La colère des émeutiers se déplace ensuite sur les noirs affranchis perçus par les immigrants et les pauvres comme des voleurs d’emploi; et sur les Afro-Américains en général, considérés comme la cause première de la guerre fratricide qui oppose le Nord et le Sud.
Focus sur Five Points
Five Points, bidonville tristement célèbre de l’arrondissement de Manhattan au 19ie siècle, doit son nom aux cinq premières rues autour desquelles il s’est formé. À cette époque, plus de la moitié des habitants de New York est née à l’étranger. Il s’agit d’irlandais et d’allemands qui ont fui la crise économique et les persécutions, mais également d’afro-américains, descendants des esclaves noirs. Sans le sou, ces millions d’immigrants trouvent refuge dans des bidonvilles. Five Points, l’un des premiers melting pots de l’Histoire, en est l’exemple le plus significatif. Découpé en quartiers ethniques où chaque communauté possède son réseau d’entraide et ses codes, la notion de territoire y est primordiale.
Malgré ce territorialisme, ces différentes cultures se sont rencontrées, entrechoquées, donnant naissance aux claquettes et par la suite à des mouvements musicaux comme le jazz et le rock n’ roll.
Le milieu du siècle est marqué par d’intenses changements sociaux. Des polices urbaines sont créées pour contrôler les grèves et les émeutes qui éclatent à New York. Les clivages culturels entre les immigrés catholiques et les américains protestants s’accentuent.
Copper : un flic tourmenté en quête de vérité
Copper débute un an après les émeutes du Draft Riots. Dans un Five Point empreint de violence, Kevin Corcoran, jeune policier et immigrant irlandais aux méthodes à la fois avant-gardistes et musclées, est en quête de vérité.
À la recherche du véritable coupable dans les affaires de meurtre qu’il doit résoudre, il est confronté au laxisme et à la pleutrerie de sa hiérarchie face aux situations impliquant les nobles et personnes influentes. « Trop intelligent pour son propre bien », selon son supérieur, il n’hésite pas à remettre en cause les puissants pour obtenir justice. Et même si cette dernière s’avère défaillante, le coupable paiera d’une manière ou d’une autre.
Car Kevin Corcoran est un personnage ambigu. Bien que défendant des valeurs de justice et d’équité, il est loin d’être un héros sans reproches. Avant d’être détaché à la police de New York, ce jeune policier a vécu l’horreur de la guerre et a découvert à son retour que sa fille a été assassinée et que sa femme est portée disparue. Traumatisé par la mort de sa fille, il reporte son affection sur Annie, une petite âgée 10 ans, ramassée dans la rue alors qu’elle faisait commerce de ses charmes pour survivre.
Afin de protéger ceux qu’il aime, Kevin est prêt au pire. Il porte en lui une violence qu’il ne maîtrise pas toujours. C’est un homme pétri de contradictions. La disparition de sa femme l’obsède et le pousse à retourner tout Five Points dans le but de mettre la main sur le médaillon de sa tendre. Malgré cela, Kevin se réfugie dans les bras d’Eva, prostituée notoire et tenancière de bordel, à peine 6 mois après la disparition de son épouse.
Des travers qui tranchent avec l’ouverture d’esprit dont Kevin fait preuve dans son travail et plus généralement en société.
Bien que les relations entre les communautés irlandaises et afro-américaines soient tendues, Kevin préserve son amitié pour Matthew Freeman, jeune physicien noir aux méthodes dignes de la police scientifique. Une réelle relation de confiance et de respect mutuel lie les deux hommes. Corcoran se fie entièrement à l’expertise scientifique de Matthew sur des cas complexes. Les deux hommes se sont rencontrés sur le champ de bataille. Matthew était alors le valet de Robert Morehouse, fils d’un riche industriel New Yorkais. Pour remercier Matthew de lui avoir sauvé la vie en l’amputant de sa jambe droite, le jeune bourgeois lui a offert un cabinet médical pour exercer ses talents.
Kevin est également très proche de Robert, qu’il considère comme un frère d’armes. Les riches étant assez mal perçus par la population de Five Points à cause de leurs passe-droits, cette amitié est d’autant plus surprenante. Malgré son côté playboy hédoniste, Robert Morehouse est revenu de la guerre changé. À présent, il considère les immigrés comme son égal et prend même des risques pour leur venir en aide. Grâce à cette amitié, Kevin peut pénétrer le milieu très fermé de la haute bourgeoisie, non pas dans le espoir de grappiller des privilèges mais pour obtenir davantage de coopération lors de ses enquêtes.
Copper : entre histoires et Histoire
De nombreuses références historiques viennent nourir la narration sous différents éclairages. Kevin Corcoran en est le lien.
Appartenant à la communauté irlandaise de Five Points, les endroits qu’il fréquente sont empreints de sa culture. Ainsi, au détour d’une rue, des chanteurs entonnent des airs traditionnels à capela et des danseurs éméchés improvisent des chorégraphies rappelant celles de la troupe Irish Dance.
Nous basculons ensuite sur la culture afro-américaine avec Matthew Freeman. Les deux frères de sa femme Sara, ont été victimes des émeutes du Draft Riots. Pour échapper au lynchage elle a dû fuir sans se retourner. Le sujet n’est pas développé mais reste pourtant très présent. D’une part avec la traumatisme manifeste de la jeune femme qui vit cloîtrée de peur d’être attaquée, d’autre part avec les menaces faites à l’encontre des afro-américains de Five Points.
Robert Morehouse est la clé d’entrée dans la haute bourgeoisie New Yorkaise. Un univers d’apparence protocolaire et pieux. Mais sous le vernie de la bienséance se cache un monde de débauche. Robert s’y adonne volontiers. Hédoniste, il nous emmène dans un bordel de luxe où des clients payent le prix fort pour dépuceler des gamines et où la drogue circule librement.
À cette époque, de profonds changements sociaux sont en cours. Notamment concernant le statut de la femme et son émancipation. C’est en 1848 à New York que le mouvement américain des droits de la femme voit le jour. Elizabeth Haverford, semble faire partie de cette mouvance. Femme d’affaire érudite et sophistiquée, elle se sert de son influence pour améliorer l’existence des personnes défavorisées, n’en déplaise aux classes supérieures.
Copper nous montre comment des alliances se forment, comment des complots politiques sont déjoués, comment l’ensemble des actes de chacun crée l’Histoire.